Biochimiste et designer, Maria Mariano crée une nouvelle fibre textile recylable
En conversation avec Maria Mariano
Date
Le mercredi 9 septembre 2020
Emplacement
Montréal, Canada
Éditrice
Maéva Carreira
Éditrice en chef
Montréal, Canada
Curieuse et aventureuse de nature, Maria Mariano n'a pas peur d'explorer les limites du monde de la mode. Grâce à sa formation en biochimie, cette créatrice responsable basée à Montréal a su utiliser son expertise en design afin de proposer de nouvelles solutions écologiques pour la fabrication de nos vêtements. Récréation est le nom du nouveau projet qu'elle a co-fondé avec Natasha Thomas. Animées par ce désir de contribuer, à leur manière, à l'économie circulaire, Maria et Natasha ont entrepris le défi de créer une nouvelle fibre textile entièrement recyclable en transformant des déchets agricoles.
Parlez-nous un peu de vous ! Décrivez-nous votre enfance, votre parcours, etc.
Vous vous définissez comme un créatrice responsable. Pouvez-vous nous dire ce que le design signifie pour vous, et comment vous l’appliquez à vos projets?
Hm, pour moi, le terme design a évolué. Alors qu’avant le design était une « question de goût », aujourd’hui, le design est plutôt une question de progrès et de survie. En tant qu’humains, nous cherchons toujours à nous améliorer – cela fait partie de notre ADN. Le design doit donc être une réponse à l’ambiguïté qui nous entoure. C’est ainsi que ma fascination pour l’aspect culturel de la mode et ma démarche scientifique acquise lors de mon parcours en biochimie m’ont poussée à explorer de meilleures alternatives pour l’Homme et son environnement.
Pendant cette période, j’ai planifié des ateliers de discussion dédiés à la spiritualité, à l’environnement et à la mode. En établissant un dialogue et une prise de conscience sur notre pouvoir d'achat, et en proposant différentes manières de consommer, nous contribuons à faire évoluer les mentalités.
Vous avez été une membre chez ORB pendant presqu’un an – sur quoi avez-vous travaillé pendant ce temps ?
Oh wow, presqu’un an! Cette année chez ORB a été une période de découverte dans nos recherches sur la transformation des déchets laitiers et agricoles périmés en fibres entièrement recyclables. Nous avons investi beaucoup de temps à clarifier le procédé et la procédure – dont l’échéancier et les objectifs en matière de développement durable. Cette période a aussi été une saison de rédaction de demandes de financement. Nous en avons profité pour développer notre réseau de contacts. Nous avons établi des liens avec des personnes partageant ce même désir que nous de contribuer activement à l’évolution de nos systèmes. Toutes ces expériences m’ont permis de réaliser que l’éducation est un catalyseur important pour entamer tout changement collectif. Pendant cette période, j’ai planifié des ateliers de discussion dédiés à la spiritualité, à l’environnement et à la mode. En établissant un dialogue et une prise de conscience sur notre pouvoir d’achat, et en proposant différentes manières de consommer, nous contribuons à faire évoluer les mentalités.
Pouvez-vous nous expliquer comment votre parcours et vos connaissances en biochimie et en design contribuent à votre projet Récréation?
Avec notre projet Récréation, nous créons une fibre. Cette finalité nous permet d’avoir une meilleure vue d’ensemble sur les aspects micro et macro de notre projet, ce qui nous aide à être plus agiles dans notre démarche. Récréation propose une solution responsable à la chaîne d’approvisionnement – soit à l’étape entre le processus de transformation des polymères organiques (déchets) et le processus de création de matières premières alternatives (textile). Je m’inspire souvent de la nature pour trouver des idées. J’essaie de trouver des moyens d’intégrer les mécanismes de rétroaction cyclique de la nature dans mes projets. Au final, ma formation scientifique me donne une structure et ma passion pour le design me donne une certaine liberté, ce qui me permet de créer avec une intention.
Quel est votre but ultime avec votre projet Récréation?
Ce projet multifacette a comme ambition de réimaginer et de repenser la manière dont nous concevons et produisons nos produits et vêtements afin d’y intégrer le pouvoir de la transformation. Dans sa phase finale, le projet propose un modèle d’économie circulaire qui repose sur une chaîne d’approvisionnement locale qui tient compte de notre environnement.
Qu’est-ce que vous avez apprécié chez ORB, et comment l’environnement vous a-t-il aidé dans votre processus créatif?
ORB est un espace qui m’a permis de développer mes pensées et mes idées et de mieux analyser mes recherches. C’est aussi un endroit où le travail de planification, d’édition et de gestion se fait plus facilement! Le côté industriel et open space du bâtiment dégage une atmosphère presque romantique qui favorise l’exploration. D’une certaine manière, ORB est un terrain de jeu.
Quel est votre point de vue sur l’open-source et le partage du savoir multidisciplinaire?
Je suis encore dans ce processus de déconstruire l’idée de penser en silos et ce concept me met parfois mal à l’aise. Mais je crois que l’open-source joue un rôle important dans la réalisation de véritables projets de développement durable. Le partage du savoir entre pairs signifie que nous pouvons nous appuyer sur des informations déjà validées et dont nous pouvons retracer la source. L’open-source peut aussi vouloir dire que les informations diffusées suggèrent simplement de nouvelles perspectives.
Vous partagez régulièrement des astuces pratico-pratiques dans vos stories Instagram. Par exemple, comment recycler nos vêtements ou même fabriquer des bioplastiques à partir d’objets qui se trouvent dans notre maison. Quels sont les meilleurs conseils que vous pouvez nous partager?
Prenez un moment pour réfléchir à la raison pour laquelle vous faites les choses telles que vous les faites et voyez s’il n’y a pas une meilleure manière de procéder. Par exemple, au lieu d’acheter un nouveau sac pour y mettre votre épicerie, essayez de réimaginer le t-shirt qui se trouve dans votre placard comme un sac réutilisable! Grâce à internet, les DIY n’ont jamais été aussi accessibles et réalisables. Comme le dit la militante écologiste Céline Semaan: la durabilité est une culture qui ne s’achète pas.
Astuce : Réutiliser les déchets alimentaires pour créer
Astuce : Greenwashing
COVID semble avoir été une période d’introspection partagée par beaucoup d’entre nous. Quel impact a eu la crise sur vous et votre travail? Et quelles sont vos réalisations?
Le fait d’avoir été obligée de ralentir lorsque la pandémie a commencé a été un défi pour moi. Mais, finalement, cela m’a donné l’opportunité de prendre le temps de reconnecter avec moi-même et la nature. J’avais besoin d’une perspective extérieure donc je me suis réfugiée en Colombie-Britannique. J’y ai découvert le vaste océan et les montagnes, ce qui m’a permis de mieux apprécier la nature et ses écosystèmes. J’ai appris que chaque moment est précieux et que le temps est mieux utilisé que gaspillé.
Pouvez-vous décrire la nouvelle forme que vous souhaitez que notre monde et nos communautés prennent?
Depuis le début de la révolution industrielle, nous vivons dans un monde linéaire où les ressources sont considérées comme infinies et où le profit est la façon dont nous mesurons notre richesse. J’aimerais que nos sociétés évoluent vers un monde inspiré de nos ancêtres, où nous revenons à nos racines et où nous redéfinissons ce que signifie la compassion et le respect de notre environnement. Bref, un monde plus circulaire, où rien n’est jamais créé ou détruit, mais transformé.
J'aimerais que nos sociétés évoluent vers un monde inspiré de nos ancêtres, où nous revenons à nos racines et où nous redéfinissons ce que signifie la compassion et le respect de notre environnement.
Que remarquez-vous dans l’industrie de la mode? Qu’aimeriez-vous réformer?
Maintenant, plus que jamais, nous voyons à quel point le système actuel de la mode est imparfait. Il souffre de nombreuses injustices – l’urgence d’un changement est indéniable. La façon dont nous produisons et fabriquons les vêtements devrait évoluer vers un processus plus réfléchi et davantage centré sur la communauté. À titre personnel, il est important que chacun d’entre nous délaissions nos habitudes de consommation afin que nous ayons le courage de créer de nouvelles habitudes qui tiennent compte de nos ressources.
MARIA MARIANO
@OUIMARIANO
RECREATIONATELIER.COM