Entrevue avec Laura Azzalini réalisée par
Kristian Khan
Date
-Vendredi le 27 janvier 2020
Emplacement
Montréal, Canada
Author
Kristian Khan
Éditrice
Maéva Carreira
Éditrice en chef
Tamy Emma Pepin
Les vieux films sont remasterisés en 4K. Les best-sellers sont republiés avec de nouveaux avant-propos. Les albums classiques sont réédités avec des pochettes mises à jour. Laura Azzalini de Reixue nous invite à regarder vers le passé pour mieux penser le futur.
Alors que le fossé entre la création et la conservation continue de se creuser, cette curatrice et passionnée de design de 28 ans sélectionne des meubles de collection afin de renouveler notre intérêt pour ce qui est existe déjà. Pour Laura, il s'agit de création durable.
Laura Azzalini est la fondatrice de Reixue une boutique basée à Montréal qui vend des meubles et des objets design du XXe siècle. Le magasin fonctionne principalement en ligne – avec une salle d’exposition dans le Mile-End – et via un Instagram fréquemment mis à jour, où l’on peut trouver une bibliothèque d’Ettore Sottsass, un ensemble de chaises à manger Hammer d’Arne Jacobsen, ou des tabourets traité au bois. La sélection est éclectique, mais avec une ligne éditoriale rigoureuse. Laura a l’œil pour les pièces qui semblent empreintes de nostalgie. Elle se plaît à mélanger l’artisanat populaire avec des designers de renom afin de stimuler la créativité. « Un bon design est un bon design », dit Laura. Elle souligne également l’importance de la recherche. « J’aime apprendre constamment de nouvelles choses ». C’est un sentiment qu’elle espère partager avec ses clients. « Idéalement, je veux que les gens découvrent plus que des meubles. Je veux qu’ils découvrent une idée, une philosophie, un bout d’histoire ».
Laura a l’œil pour les pièces qui semblent empreintes de nostalgie. Elle se plaît à mélanger l’artisanat populaire avec des designers de renom afin de stimuler la créativité.
« Un bon design est un bon design », dit Laura. Elle souligne également l’importance de la recherche. « J’aime apprendre constamment de nouvelles choses ». C’est un sentiment qu’elle espère partager avec ses clients. « Idéalement, je veux que les gens découvrent plus que des meubles. Je veux qu’ils découvrent une idée, une philosophie, un bout d’histoire ».
Ayant grandi dans une grande famille italienne, Laura a été exposée très tôt au design italien classique. « Mes premières influences artistiques ont été Enzo Mari et Archille Castiglioni », dit-elle. Laura partage l’intérêt des deux designers pour les pratiques du design durable, même si cela signifiait quelque chose de légèrement différent à l’époque. Le projet Autoprogettazione de feu Enzo Mari proposait des instructions sur la façon de construire des meubles chez soi en utilisant des matériaux simples qui pouvaient être achetés localement. Les créations d’Archille Castiglioni et de son frère Pier Giacomo ont été classées dans des catégories telles que les readymades – des créations qui utilisent des éléments déjà existants dans leur fabrication – et les objets reconçus – mis à jour pour s’adapter aux évolutions technologiques.
À l’université, Laura s’est intéressée à l’art et à l’architecture. Elle a réalisé des sculptures à partir de matériaux de récupération tels que la ferraille et le bois de rebut. Elle admirait des femmes designers telles que Gae Aulenti, Charlotte Perriand, Lina Bo Bardi et Elieen Gray, et espérait un jour suivre leurs pas. Multidisciplinaires dans leur approche et leur travail, elles ont su utiliser le design comme un outil pour favoriser l’évolution sociale et culturelle au sein de leurs communautés en établissant des synergies entre les matériaux et les moyens de production. À la fin de ses études, Laura s’est sentie dépassée par la quantité de produits déjà présents sur le marché mondial.« Je me suis demandé s’il était viable de concevoir de nouveaux produits. Et si c’était le cas, pourrais-je même contribuer à quelque chose qui n’avait pas déjà été fait?».
Lors de ses recherches pour son premier voyage à Tokyo, Laura a découvert Yanagi Sōetsu, un critique d’art japonais qui a inventé l’expression « Mingei » pour décrire un mouvement artistique populaire de la fin des années 1920. Son credo était simple : « Faites de belles choses. Fabriquez des choses pour être utilisées. Éliminez tout ce qui est inutile». La dernière phrase a résonné auprès de Laura qui a su l’interpréter à sa manière. Inspirée par des pionniers tels que la Johnson Trading Galleryet Patrick Parrish– aujourd’hui des incontournables de magasins de design vintage à New York -, elle a décidé de lancer Reixue avec son fiancé Andrew Pitchko dont l’esprit entrepreneurial et l’expérience ont été des atouts inestimables dans la création et le développement de Reixue.
Le magasin a rapidement évolué, passant d’une entreprise à temps partiel à temps plein. La première année, les articles provenaient principalement des marchés aux puces et des ventes de biens immobiliers. Mais au fur et à mesure que l’entreprise s’est développée, le réseau de Laura s’est étendu et les gens ont commencé à l’approcher avec des pièces vintage à vendre. Il n’est pas rare que les mêmes clients qui vendent à Reixue y fassent aussi leurs achats – ce qui fait de Reixue un excellent exemple d’économie circulaire à l’échelle locale. «« En termes d’environnement, le progrès dépend de ce que nous faisons de notre passé », dit Laura. Elle n’est pas la seule à partager ce point de vue. IKEA s’est engagée à devenir une entreprise entièrement circulaire d’ici 2030, en encourageant les consommateurs à revendre leurs meubles légèrement usagés à la multinationale. « Je suis tout à fait favorable à ce que les détaillants de grandes surfaces le fassent si cela signifie un impact moindre sur l’environnement », dit Laura. Soit dit en passant, les créations emblématiques de Niels Gammelgaard pour IKEA ont déjà été vendues par Reixue. Soit dit en passant, les créations emblématiques de Niels Gammelgaard pour IKEA ont déjà été vendues par Reixue.
Je me suis demandé s'il était viable de concevoir de nouveaux produits. Et si c'était le cas, pourrais-je même contribuer à quelque chose qui n'avait pas déjà été fait?
COVID-19 : Une chance de réimaginer l’avenir
Malgré le fait que les petites entreprises aient été touchées de manière disproportionnée par la pandémie de COVID-19, Reixue a connu une croissance en 2020. Cela reflète la tendance macroéconomique de la hausse du prix des actions des entreprises de décoration comme Lowe’s, Home Depot et Sherwim Williams. Lorsque les gens sont contraints de travailler à distance, ils commencent à repenser leur environnement immédiat. Laura en voit le côté positif et espère que la pandémie pourra servir de leçon sur l’importance d’adopter des comportements et des actions concrètes pour le respect de l’environnement et de l’achat local.
Récemment, Reixue a commencé à vendre des meubles produits à Montréal, tels que des bancs multifonctionnels et des chevalets. « Nous avions des articles similaires à vendre, et les gens ont vraiment apprécié. Nous voulions donc donner à chacun la chance de se procurer des pièces à partir d’articles que nous avions déjà vendus », explique Laura. Ces objets se situent quelque part entre les classiques du design vintage, les designs originaux et les répliques haut de gamme. Ils ne sont pas très éloignés des philosophies de design d’Archille Castiglionie et d’Enzo Mari. Et nous voilà donc de retour à la case départ.
LAURA AZZALINI
@LAURAAZZALINI
reixue.com
@RE.IXUE